Le chantre russe

CHOSTAKOVITCH, Dmitri Dmitrievitch [1906-1975, 69 ans]

  • Symphonie no 4 en ut mineur, op. 43 [1935-1936, 29-30 ans], par la Scottish National Orchestra, dir. Neeme Järvi, 1989, Chandos, CHAN 8640 [1 h]

Si J. S. Bach est comme un père pour moi (voir cet article), Dmitri Chostakovitch m’est un frère d’élection.

Compositeur sensible aussi talentueux qu’audacieux, grand humaniste faisant preuve d’une conscience sociale aiguë, Chostakovitch s’est fait un nom dans les années 1920 avec des œuvres satiriques (Le nez), savamment orchestrées (Tahiti-Trott) et immensément populaires (Lady Macbeth du district de Mtsensk). Staline et Jdanov comprirent peut-être l’avantage stratégique qu’ils auraient à se servir de ce blanc-bec rassembleur de foules dont ils n’avaient pas aimé la « tragédie satirique » Lady Macbeth. On le brisa. Accusé de formalisme, on lui arracha une autocritique « justifiée », et puis, le maintenant sous la botte du Parti, on tenta de l’utiliser. Dès lors, « l’ennemi du peuple », qui ne renonçait pas pour autant aux valeurs de ses parents, allait ruser avec le pouvoir pour faire passer pour soviétique une musique en réalité russe (fidèle à Moussorgski) et dans laquelle le peuple reconnaissait parfaitement sa souffrance réprimée.

La Symphonie no 4 débute avec un aplomb qui effraie. Une grosse machine se met en branle. On est en URSS en 1936. Symphonie jugée « injouable » par les musiciens russes, les répétitions s’éternisent. Le bruit court que Chostakovitch a écrit une symphonie « diablement compliquée, bourrée de formalisme ». Survient un éditorial dévastateur (non signé) publié dans La Pravda du 6 février 1936 et qui stigmatise Lady Macbeth. Du coup, c’est Chostakovitch qui devient injouable. Rienzine, le directeur de la philharmonie, demande à Chostakovitch de renoncer de lui-même à l’exécution de son œuvre. La symphonie, retirée, ne sera créée qu’en 1968 (32 ans plus tard!), soit 15 longues années après la mort de Staline.

À la première écoute, cette symphonie peut paraître confuse, bruyante, difficile à comprendre. Mais une chose passe : la colère. Une sainte colère derrière laquelle on sent l’indignation. Oreilles sensibles s’abstenir.

 

2018-06-22

 

Je reparle de la Symphonie no 4 de Chostakovitch à la fin de mon article intitulé SILVESTROV : Messages de paix en provenance d’Ukraine.

Les curieux liront avec profit mon dossier sur Chostakovitch à la page Curiosités, sous Musique : Chronologie, Œuvres par ordre d’opus et Causeries : choix musical.

 

© André-Guy Robert, 2018
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