- À gauche : Pere Borrel del Caso, Escapando de la critica, Madrid (1874).
- À droite : gravure sur bois d’un artiste inconnu illustrant le livre L’atmosphère : météorologie populaire (1888) de Camille Flammarion (1842-1925).
Voici deux images fascinantes qui illustrent le rêve de tout homme curieux : celui de sortir du cadre de sa vie.
Hirkbouf, Snaebjörn Galti, Éric le Rouge, Marco Polo, Christophe Colomb, Neil Armstrong : tous ont été rongés par le gène de l’exploration et de la découverte — celui-là même qui pousse le bébé à se retourner, l’enfant à se mettre debout, l’adolescent à risquer sa vie. Nous voulons sentir, toucher, voir, comprendre… au-delà de ce qu’il nous est donné de sentir, de toucher, de voir, de comprendre. C’est irrésistible.
À croire que l’homme est une sorte de limaille de fer que l’Inconnu avec un grand I a le pouvoir de mettre en branle, de redresser, de déplacer et d’attirer à lui. Cet aimant, ce pôle d’attraction universelle que Pierre Teilhard de Chardin appelait « le point Oméga », véritable moteur de l’évolution, toute personne curieuse en expérimente chaque jour l’attrait et y cède autant qu’il peut. Ce qu’on appelle de la curiosité pourrait bien être, en fait, l’expression d’une allégeance naturelle à quelque force qui, depuis le Big Bang, nous surplombe et nous appelle au dépassement.
En examinant notre univers, c’est nous-mêmes que nous examinons, et quand nous plongeons en nous-mêmes, c’est encore l’univers qui plonge en lui et s’observe. Nous faisons partie d’un tout. Comment sortir du cadre de notre petite vie d’homme quand on sait que les atomes de notre corps ne sont pas étrangers à ceux de GN-z11, la plus lointaine des galaxies observées?
Nous sommes faits des mêmes pièces de Meccano que l’univers tout entier. Une entité s’amuserait à assembler ces pièces pour en faire des êtres humains, des animaux, des planètes. Une fois réalisée, l’idée perdrait de son intérêt. L’entité démonterait alors ses inventions pour en réaliser d’autres avec les mêmes composantes. Nous serions à la merci d’une patience d’enfant.
Pourtant, quelque chose en nous s’oppose à cette vision des choses. Le sentiment que nous avons de la valeur, et cela, en dépit de notre insignifiante éphémérité. Nous n’acceptons pas l’idée que nous serions comme des moucherons à la surface de la Terre. Nous valons mieux que cela, pensons-nous. La dignité est inscrite dans notre ADN. C’était l’idée de Teilhard de Chardin : l’esprit est présent dans l’atome.
Se pourrait-il que l’infrastructure gigantesque qu’est l’univers ait pour but de produire, à terme, quelque chose d’immatériel qui, oui, pourrait sortir du cadre?
2018-10-10
© André-Guy Robert, 2018
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