Cette femme bouge plus vite que mes mots. C’est une force indomptée qui voltige pour danser. Miroirs, poteau, douche, rampe : elle possède la scène comme le corps de ses amants. Elle sème ses pas et les hommes à tout vent.
Son jeu exige qu’elle porte une chaîne à la taille, une gourmette à la cheville, des bracelets aux poignets, des bagues à tous les doigts et pour le cou, des chaînettes en orbite. « Rien, dans le noir, ne fait mieux luire ma peau de bronze, dit-elle, que l’argent. »
Quand elle grimpe aux miroirs et s’y laisse glisser, cuisses ouvertes comme un livre d’images, les lèvres charnues de son sexe épilé, par moments, brillent de l’éclat du jonc doré qui les traverse. On donnerait sa langue au chas s’il n’avait déjà la parole.
« Gentlemen, let’s applaud this marvellous young lady! It’s Misty! Misty, ladies and gentlemen! »
Cris et sifflements. (Là-bas, tout n’est que musique, bière, femmes et nudité.) Les doigts dans la bouche, des hommes passent le mur du son. Zanzibar.
Toronto et Montréal, du 2 oct. 1986 au 7 janv. 1987.
© André-Guy Robert, 1986, 1987
Toute reproduction sans l’autorisation préalable de l’auteur est interdite.
Demande d’autorisation : andreguyrobert@hotmail.com
Nouvelle publiée dans :
XYZ, la revue de la nouvelle,
numéro 11, « Nouvelle d’une page »,
Montréal, automne 1987, 94 p. [p. 76];
permis de reproduire accordé par l’éditeur.
Annexe 1. Brouillon retrouvé
André-Guy Robert
Zanzibar Tavern
L’homme des neiges prend des notes. L’homme, les hommes prennent des notes. Cathy, Maria, Tender s’en moquent. Elles ne craignent pas de lire ce qu’elles écrivent dans les pensées.
Maria s’y penche, y glisse une main. Cent hommes pour une culotte et son trésor. INTERDIT AUX MOINS DE DIX-HUIT ANS. Maria chante avec le soleil et danse pour faire tomber la pluie. Une bande de poils bruns court sur son ventre mouillé et disparaît derrière les cloisons embuées de la douche. Il suffit d’un jet d’eau pour laver toute opacité.
Tatou porte ses lauriers sur le poignet du cœur et Mirty ses dollars entre la jarretière de ratine et la jambe où elle a passé aussi sa montre et un bracelet d’argent. « Je rêve pour les insomniaques, déclare-t-elle en entrevue. — Vous ne trouvez pas qu’il fait chaud? dit sa copine. (On fondrait… en larmes!) » L’Africaine dirige le jet d’eau blanc entre ses fesses et disparaît bientôt dans la vapeur. « Yong-Yonge! » hurle la guitare. Dans quelle jungle aurait-on peur de crier? How much is a beer? Deux grandes jeunes femmes cherchent Peter. Elles obstruent l’accès aux toilettes. Le client qu’elles ne voient pas attend qu’elles s’écartent d’elles-mêmes. Beaucoup portent des croix au cou, certaines tête en bas. « How much is a beer? »
Il ne reste de ses jeans qu’une couture à l’entre-jambes. « Voyez ce qui arrive quand je… »
FEMME TROUVÉE NUE, STATION DUNDAS
Escalier. La silhouette d’une danseuse monte toutes les heures. À chaque marche, une fesse innocente émerge de la blouse rose et resplendit de sa pudeur impeccable.
« Five fifty. »
Bock immense.
SCÈNE. « Qu’il est beau, ce corps! Comment se fait-il qu’il soit à moi? Je l’ai trouvé un soir sous les draps. Il a fallu vingt, trente générations pour le modeler, peut-être plus. » I’m Okay. « Voyez mon sexe dans la toison du miroir. Je m’appelle Okay. » Je me moque de vos petites histoires, je ne tiens qu’aux miennes.
Je cache ce que je veux montrer.
Toronto et Montréal, du 2 oct. 1986 au 7 janv. 1987.
© André-Guy Robert, 1986, 1987
Toute reproduction sans l’autorisation préalable de l’auteur est interdite.
Demande d’autorisation : andreguyrobert@hotmail.com
Inédit.
Annexe 2. Revue de presse
Télécharger la version PDF de ces textes.
Retour à la page https://andreguyrobert.com/textes-publies-2/
> Témoignage