ADÈS, Thomas [1971-]
- Concerto pour violon « Concentric Paths », op. 24 (2005, 34 ans), Anthony Maarwood, violon; Kölner Philharmonie sous la direction du compositeur; enregistré le 22 mai 2010 [20 min 57 s]
Est-il encore possible de renouveler le genre du concerto pour violon? À mon avis, la réponse est oui, et elle nous est donnée par Thomas Adès, compositeur et chef d’orchestre britannique.
Ne restons pas dans l’antichambre : la durée du deuxième mouvement de ce concerto (10 min 44 s) fait plus que la somme des deux mouvements qui l’encadrent (« Rings », 4 min + « Rounds », 5 min 23 s). C’est dire l’importance de ces sentiers (« Paths ») sur lesquels semblent s’abattre (à partir de 5:08) les pas lourds d’un géant de saga islandaise (on pense à l’Edda de Jón Leifs). À moins qu’à chaque pas, le marcheur s’effondre, ou encore qu’il gravisse à grand-peine une nouvelle marche. Quelle que soit la représentation qu’on s’en fait, la musique avance, dirait-on, par paliers marqués du poids de tout l’orchestre : une phrase, un POINT; une phrase, un POINT… Ainsi se déploie la syntaxe de la première moitié de ce deuxième mouvement, syntaxe qu’avaient annoncé les dernières mesures du premier.
Au début du premier mouvement, puisqu’on en parle, l’auditeur avait eu le sentiment d’entrer dans le vif d’un monde mystérieux et sombre. Son attention avait été sollicitée par le violon, oiseau déporté par les vents ou s’efforçant de passer, dans l’air encombré d’une sombre caverne, à travers une multitude de chauve-souris virevoltantes. Ce vol de nuit semé d’obstacles me rappelle une autre lutte, celle du motif musical DSCH (ré, mi bémol, do, si en notation allemande pour « D. SCH. » ou Dmitri Schostakowitsch) dans le Concerto pour violon no 1 (1947-1948) de Chostakovitch (écouter). Dans les deux cas, un violon solitaire qui cherche à rester lui-même dans la société de l’orchestre.
Et pourtant! À la minute 11:28, c’est-à-dire au centre des anneaux et des ronds de Concentric Paths, on se retrouve par miracle dans l’œil du cyclone : tout y est calme. La muraille de nuages nous encercle. On s’abandonne à la contemplation. Une sorte de mélancolie nous gagne, ou est-ce de l’appréhension?
Le troisième mouvement débute par une musique de suspense. Si notre sentier fait des ronds qui semblent de plus en plus larges, c’est qu’il trace une spirale ascendante. Nous voici gagnés par une échappée trépidante, cinématographique. La seule ouverture visible se rapproche, et c’est une grande bouche de calcaire qui s’ouvre sur le ciel bleu nuit.
2021-11-11 et 16
© André-Guy Robert, 2021
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