Même marié avec la femme de ma vie (que je chéris tendrement), mon regard se tourne tout seul vers la beauté, surtout celle des êtres épanouis, resplendissants de santé ou qui dégagent un charme mystérieux, particulier.
On cherche toujours son chemin, vous savez, et l’on aime croire, à tort ou à raison, que les clartés de rencontre indiquent la bonne direction. (Vivre est une sorte de roman qu’on se raconte à soi-même.)
Je tourne donc le regard vers les jolies femmes, et je ne suis pas seul à le faire. Je remarque souvent, dans le métro, dans la rue, que le regard des autres hommes se tourne aussi vers ce que j’ai vu : une beauté qui passe! Parfois, ces hommes se trahissent si fort (et avec un tel sérieux!) que j’en ris. Pas d’eux, pas de leur désir, mais de l’empire universel des hormones. C’est trop drôle de voir celles-ci à l’œuvre.
Je pense alors au titre de Marcel Proust, « les jeunes filles en fleur », et je pense à mes hémérocalles quand leur corole épanouie s’ouvre sur l’impudeur d’un pistil au stigmate turgescent. On ne peut reprocher à personne que la nature, par la grâce, soumette à un tel magnétisme.
Triomphe de la vie sur la matière inerte, les corps jeunes et beaux appâtent le regard. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que la publicité s’en serve pour attirer l’aiguille de nos yeux sur des produits.
J’ajouterai deux choses — énormes (tant pis!) — à l’intention des hommes qui, comme moi, en sont à délibérer sur le deuil de leur sex-appeal. La première : si nous sommes programmés pour le coït, rappelons-nous que la plupart des jeunes femmes le sont pour les bébés. (« Énormes », je vous ai dit.) La seconde : les hémérocalles se fanent, tout comme la sexualité des femmes et la nôtre. À la fin, il reste le feuillage vert. Et même lui finit par jaunir. Encourageons-nous : ce qui nous distingue des plantes, c’est la boussole dans le regard, la petite aiguille qui se tourne irrésistiblement vers la beauté.
Même si Léo Ferré chantait avec raison qu’« avec le temps, va, tout s’en va », il est permis de garder jusqu’à la fin, pour la vie, le même tendre élan que celui provoqué par la splendeur d’une beauté qui passe.
2019-01-11
© André-Guy Robert, 2019
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