Une fillette d’environ cinq ans s’assoit sur les genoux de sa mère, passe ses petits bras potelés autour de son cou et s’abandonne complètement au plaisir du contact moelleux et chaud avec sa mère.
Mais c’est une enfant, et une enfant, ça ne dort pas le matin. Au bout d’un moment, elle se détache de sa mère et lui pose une question :
— Maman, si on a emprunté un livre à la bibliothèque et qu’on l’aime beaucoup beaucoup, est-ce qu’on peut l’acheter?
Je trouve la question inattendue mais très pertinente. Je lui répondrais que, non, on ne peut pas acheter de livres à la bibliothèque, qu’on achète des livres à la librairie, etc.
La mère, elle, est une adulte qui s’en va au travail, et quand on s’en va au travail, on s’endort le matin. Alors, tout ce que la mère trouve à répondre est :
— Non.
Et elle referme les yeux.
La fillette se pelotonne contre sa mère et semble très heureuse de cette douceur-là. Sauf que, vu l’indigence de la réponse, la question continue de trotter dans son esprit. Maintenant, elle tente d’y répondre par elle-même :
— C’est parce que si on achetait un livre, personne d’autre pourrait l’aimer autant?
— C’est ça.
C’est sûrement la meilleure réponse qui soit à cette question-là. On dirait que la fillette le sait. Elle cesse donc de chercher et se replace confortablement contre le corps de sa mère. Elle ne s’y endormira pas; elle sera juste bien, aussi bien qu’une bonne réponse dans le giron d’une question.
1998-09-30
© André-Guy Robert, 1998
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