Du Haydn sur des images de Laurent Gaudé

Dans son livre Écoutez nos défaites (Actes Sud/Leméac, 2016), Laurent Gaudé nous offre deux pages admirables (p. 19, 20). Il y évoque des missions éclair aéroportées dans lesquelles le personnage se remémore d’abord l’atmosphère des attaques-surprises auxquelles il a participé et puis sa perception de blessé, à peine conscient, que les membres de son équipe évacuent d’urgence par hélicoptère.

Entre les deux épisodes, quelque chose arrive dont le personnage n’a pas eu connaissance et que le lecteur d’apprendra pas. Le point de bascule, c’est une voix qui, pour garder le militaire conscient, répète sans cesse son nom : « Sullivan… Sullivan… »

J’ai eu l’idée suivante pour le premier épisode, celui des attaques-surprises. Sur les images d’action suggérées par le texte, couper le son d’origine et faire entendre l’adagio du Divertimento en majeur pour violoncelle et piano, d’après Hob. XI:113, de Haydn :

IMAGE

SON

[Il pense à] tous les hélicoptères dont il s’est extrait en sautant, la nuit, sur des collines de pays lointains,

À partir de 3:24.

à l’approche de maisons qu’ils allaient violer, lui et les hommes qui l’accompagnaient,

À 3:58.

défonçant des portes, / écartant sans ménagement des femmes ensommeillées qui criaient de stupeur, / se faisant sourds à tout ce qui les entourait, les visages, les cris, les suppliques, / cherchant dans la nuit un homme qui finissait toujours par se livrer, / toutes ces fois où il a été la main qui frappe.

De 4:31 à 4:59.

Montage énergique de plans de nuit brefs au contenu violent. Bien synchroniser le pire visuellement sur la musique la plus délicate. Les hommes étaient « sourds à tout ce qui les entourait ». Il faut rendre cette surdité.

Le décalage entre la musique policée et les images brutales rendrait ces souvenirs de missions nocturnes quasi nostalgiques pour le personnage et scandaleusement poignants pour le spectateur.

Enchaîner brusquement avec la scène d’évacuation (bruits et voix que couvre le vrombissement de l’hélicoptère) où l’on voit Sullivan tantôt porter secours à des victimes et tantôt être secouru comme victime. Images de son visage dans les deux circonstances, peut-être dans des éclairages contrastés. La même personne, mais deux visages, montrés en alternance et finissant par se confondre (style reportage de guerre). Gros plan des yeux mi-clos de Sullivan; au moment où il perd connaissance, le bruit de l’hélicoptère coupe net. Court plan silencieux de l’hélicoptère qui monte dans le ciel, emportant avec lui la lumière de son projecteur.

 

2018-09-21

 

© André-Guy Robert, 2018
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