L’homme marchait depuis un certain temps dans une rue ancienne, étroite, l’âme en pente, méditant sur la ville autour de lui, les façades fermées à cette heure. À quoi lui servirait cette nuit, pensait-il dans son désœuvrement?
À défaut d’un but, il suivait les pavés qui l’entraînaient dans une courbe. Il déboucha sur une place modeste où des gens silencieux regardaient le ciel. Il fit comme eux.
L’ombre de la Terre envahissait la Lune. Voilà pourquoi il faisait si sombre depuis un moment. Peut-être cette éclipse expliquait-elle que, plus tôt, son âme avait penché, d’instinct, vers l’intérieur.
À ce moment, une main se glissa dans la sienne. Une main de femme, à laquelle il répondit en la pressant avec une reconnaissance exagérée, sans pour pourtant la lâcher.
Il n’était plus seul pour traverser la nuit. L’instant lui paraissait si bon qu’il ne voulait pas détourner le regard de l’astre qui s’ombrageait. Ni parler ni trop bouger.
Autour d’eux, le petit rassemblement ondulait de concert comme ces herbes qui affleurent à la surface des ruisseaux. Une tendresse inestimable circulait ici.
La Lune bientôt disparaîtrait. Il se prit à espérer que la lumière ne revienne pas, que le mystère se prolonge, que cette main demeure dans la sienne comme elle y était entrée, sans raison, oui, sans raison.
Inexplicable comme un miracle.
Laval, le 18 septembre 2024; 2 mars 2025.
Nouvelle publiée dans :
Entrevous, revue d’arts littéraires, numéro 28,
Laval, juin 2025, 106 p. [p. 13].
Permis de reproduire accordé par l’éditeur.
L’auteur a lu ce texte en public lors du lancement
de ce numéro d’Entrevous, le 23 juin 2025,
au parc des Saules, dans le quartier Auteuil,
à Laval (Québec).
© André-Guy Robert, 2024, 2025
Toute reproduction sans l’autorisation de l’auteur est interdite.
Demande d’autorisation : andreguyrobert@hotmail.com
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