TURNAGE, Mark-Anthony [1960- ]
- Kai for solo cello and ensemble (1989-1990, 29-30 ans), Birmingham Contemporary Music Group, Sir Simon Rattle, chef; Ulrich Heinen, violoncelle; enreg. : 10 juin 1993 [23 min 5 s]
On n’arrête pas le progrès, dit-on.
Jusqu’à récemment, les mélomanes n’avaient qu’à lire le livret fourni avec leur album CD pour se renseigner sur les œuvres qu’ils allaient écouter. Depuis la mise en ligne des enregistrements, les livrets ont disparu ou s’avèrent difficiles à trouver.
Nom et biographie du compositeur, circonstances de composition et de création des œuvres, noms des interprètes, du chef et de l’orchestre, date d’enregistrement, titre des œuvres et identification des mouvements… tous ces détails précieux manquent la plupart du temps. Sur les plateformes de musique en ligne, les mouvements des pièces classiques sont traités comme des chansons indépendantes! Dans une compilation consacrée à un interprète, le nom de ce dernier se répète idiotement sur chaque plage alors qu’on cherche celui du compositeur! Bref, on ne sait plus ce qu’on écoute.
*
Revenons à Mark-Anthony Turnage et à Kai, qui a été pour moi une découverte… sur YouTube.
J’ai voulu savoir ce que le compositeur avait en tête quand il a donné un titre japonais — Kai — à son œuvre. À la page YouTube, la notice restait muette sur la question. Voici ce que l’IA m’a trouvé :
Le mot japonais kai a plusieurs significations selon le contexte et le caractère utilisé :
- 海 — la mer / l’océan
- 会 — réunion, rencontre
- 回 — tour, répétition, cycle
- 解 — résolution, dénouement
- 甲斐 — utilité, « en valoir la peine »
- 界 — monde, sphère
- 怪 — étrange, surnaturel
Laquelle de ces significations le compositeur a-t-il choisie pour qualifier son œuvre? Mystère. Je me tourne vers ChatGPT.
Voici sa réponse : « Kai [a été] composé en mémoire de Kai Scheffler. » Coup de théâtre! Ce n’était pas le mot japonais, mais un prénom.
Qui était Kai Scheffler? Le membre fondateur et violoncelliste principal de l’Ensemble Modern. D’où : une œuvre pour violoncelle… et ensemble, bien sûr. J’apprends que Kai Scheffler est décédé en 1989 et que l’Ensemble Modern, basé à Francfort, compte une vingtaine de musiciens. Il est spécialisé dans l’interprétation de musique contemporaine et moderne.
Qui a dit qu’on peut se passer du livret?
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Cette œuvre me fascine.
Après le début qui claque aux saxophones (soprano et alto, d’après ChatGPT), un dialogue aux accents de jazz s’établit entre l’ensemble et le violoncelle. Vers le milieu de la pièce (13:40), le violoncelle a droit à une courte cadence (43 s) qui, en rappelant le thème, évoque aussi le musicien disparu. Après trois derniers rappels de l’attaque du début aux saxophones (21:05), la fin lente et méditative au violoncelle conclut la pièce sur un ton de requiem.
Ce « tombeau » à la mémoire d’un violoncelliste, tantôt âpre, tantôt joyeux avec ses moments ludiques et réjouissants, a de quoi envoûter. Sa variété de tons et de timbres m’étonne et, en définitive, m’inspire de la mélancolie. Existentielle, je dirais.
2025-10-15
© André-Guy Robert, 2025
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